1915, D.W. Griffith réalise "Naissance d'une nation" qui relate la guerre de sécession. Le cinéma, art encore neuf, subit les foudres de la puissante censure qui sévit alors aux Etats-Unis. Par son caractère libre et païen, le cinéma menace les églises d'abandon. La tension arrive à son comble avec ce film qui projette des corps dénudés dans l'obscurité des salles. la Cour Suprême sauve le film en statuant sur le caractère industrielle de l'oeuvre destiné, selon elle, à un public universel. Griffith vient d'accoucher le cinéma moderne. Au-delà même de la forme, (travelling, gros plan, flashback,..) et de son fond (un film raciste, ode au Ku Klux Klan), l'oeuvre fait date sur le caractère idéologique puissant que représente ce nouveau média, formidablement stigmatisé par la Cour Suprême comme une "industrialisation du message".
Nous sommes au début du 20ème siècle, le travail s'organise de manière scientifique, scindant la conception de la réalisation et parcellisant ainsi les tâches. Si la condition de vie des ouvriers devient monotone du fait du travail à la chaîne, la consommation est malgré tout stimulée par la hausse de la production. C'est tout naturellement que le cinéma trouve sa place dans ce système. Les temps modernes sont en marche et le spectacle du mythe américain, héros incorruptible, domination des grands espaces , diffuse déjà par delà ses frontières. Mais, le spectacle a ses paradoxes et le mythe accouche d'un autre mythe, un jumeau monstrueux, un" freak", un vagabond des grandes plaines, le caillou dans la godasse en costume de bohème. En un mot, un Charlot.